Radio Pirate : la culture donne de la voix au Foyer de l’enfance

Un projet né des imprévus

À 5 minutes de la représentation, Sylvie Kingler, chorégraphe et coordinatrice du projet, confie dans un souffle :

Je suis super fière d’eux, du chemin parcouru et de là où on est arrivés.

Et pour cause : monter un projet artistique dans un lieu d’accueil d’urgence a été un chemin délicat, semé de rebondissements.

Ces jeunes ont un gros background traumatique, ils réagissent au jour le jour, explique Gilles, éducateur spécialisé au Foyer. Les difficultés qu’on a rencontrées sont aussi liées au fait qu’on est un établissement d’urgence, on ne sait pas quand les jeunes arrivent, ni combien de temps ils vont rester. La capacité à se projeter est complexe.

Les jeunes, moteurs de la création

Face à cette réalité mouvante, Sylvie, avec ses partenaires Emily Moroney, comédienne et metteuse en scène, et Luc Souche, créateur sonore et preneur de son, ont dû réinventer sans cesse leur approche, en fonction des envies des adolescents et en lien avec les équipes éducatives, parties prenantes du projet.

On part d’eux et on tire le fil, résume Luc. Les jeunes ont des envies et des univers culturels différents, ça nous demande à chaque moment de nous adapter aux différentes personnalités et d’être très créatifs en termes de propositions, pour arriver à les stimuler et trouver des outils communs pour dialoguer avec eux et les amener vers un objet créatif .

Des aléas qui sont devenus des forces et qui ont porté l’énergie créative du trio, comme en témoigne Emily :

C’est pas simple : c’est comment tu crées l’envie, le besoin, et comment tu joues avec le refus, la non envie, l’inhibition… L’art crée des échappatoires, et c’est ça qu’on fait, en trouvant des médiums. C’est riche, et ça nous pousse aussi en tant qu’artistes.

Luc poursuit :

Parfois on se dit qu’on ne va jamais y arriver, et quand d’un seul coup la lumière apparaît, c’est magnifique.

Créer pour ouvrir des portes

Chaque séance de travail a été une exploration, faisant naître puis renforçant la complicité qui s’est peu à peu nouée entre les artistes et les jeunes du Foyer. Sorties en nature, improvisations théâtrales, conception de musiques, de jingles, d’interviews et de bandes sonores : la fabrication du spectacle s’est nourrie de toutes les expériences vécues en commun pendant plusieurs semaines.

Pour Gilles, la portée du projet va bien au-delà du simple exercice de création :

De mon point de vue d’éducateur, c’est intéressant parce qu’on vient ouvrir des portes dont ils n’avaient même pas pensé qu’elles existaient. Mon but c’est de les accompagner dans des découvertes, dans des choses qu’ils n’ont pas l’habitude de faire. Qui ne feront peut-être pas trace de suite, mais trace plus tard. On revient toujours, en différé, sur les choses qu’ils ont vécues avec les artistes lors des sessions. Et parfois ce qu’ils n’avaient pas exprimé à l’instant T, ça vient à ce moment-là. On essaie d’en faire un moteur.

Une radio clandestine, écho de leurs voix

De cette aventure est née Radio Pirate, un spectacle sous forme d’émissions de radios clandestines.

Une idée qui a su capter l'intérêt des adolescents du Foyer, explique Luc :

Ce qui était intéressant avec l’audio, c’est que tous les jeunes ont des téléphones portables, ont accès à de la musique. C’était une façon de les intéresser, qu’ils se posent la question de comment c’est fabriqué, qu’ils en prennent possession de cet outil-là. Et la radio permet de mêler plein de formats différents : on a travaillé sur des émissions, des enregistrements…

Sur scène, dans une ambiance nocturne, Julian, Yugo et Narin endossent tour à tour des rôles d’animateur radio, de créateur de jeux vidéo, d’invité, de reporter sur le terrain… Leurs voix résonnent, les imaginaires se délient, les talents se révèlent. Ils livrent un spectacle drôle, poétique et singulier, auquel ont participé nombre d’autres jeunes qui n’étaient pas en plateau.

Au terme de la représentation, Narin lâche le sourire aux lèvres :

C’était génial ! Je ne voulais pas que ça s’arrête.

Pour Yugo, le jeu a presque été une révélation

J’ai eu un peu le trac avant de commencer, mais sur scène, je me suis senti super à l’aise !

Des éclats de lumière

Pour les artistes, l’émotion est à la hauteur de l’engagement :

Ils ont défié plein de choses pour monter sur scène. C’est une immense fierté, confie Emily.

Et Sylvie de conclure, émue :

Ce projet, ça a été extrêmement riche, beaucoup de poésie, des petites brèches de lumière qui se sont glissées dans des moments de chaos.

Le Département à l’origine du projet

Avec son programme « Culture et Solidarités », le Département de l’Hérault porte une culture qui retisse les liens du sensible et met au centre de son action culturelle la rencontre et l’échange entre les artistes et des publics vulnérables.

Au travers d’appels à projets, en 2025 neuf projets culturels ont ainsi vu le jour sous forme de résidences de création partagée, dont Radio Pirate emmené par la compagnie Olaf LinËsky.

La Compagnie Olaf LinËsky

La protection de l'enfance, une mission du Département

Les 8 autres résidences de création partagée qui ont vu le jour en 2025 grâce au soutien du Département :

• MECS (Maison d'enfants à caractère social) L'Abri, Compagnie Maevol
• MECS Marie Caizergues, Compagnie La Pieta
• MECS Enclos Saint-François, Compagnie Collectif VI
• EHPAD Les Asphodèles et IME (Institut médico-éducatif) La Capitelle, Compagnie Soleils Piétons
• EHPAD Jeanne Delanoue et ALSH (Accueil de loisir sans hébergement) de Fontès, Compagnie du Petit Côté
• EHPAD Les Aiguerelles et MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) Mauguio Carnon, Compagnie Grognon frères
• EANM (Établissement d'accueil non médicalisé) Wallon Lainé, Compagnie La Cour Singulière
• Foyer de vie Isabelle Marie, Compagnie Roberte et Robert